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Après des documentaires sur les deux conflits mondiaux et sur l’opération « Turquoise » au Rwanda, et un court-métrage, « le Puits », très remarqué, Gabriel Le Bomin signe « les Fragments d’Antonin », un premier film original sur les traumatismes psychiques de guerre.
source : Télécinéobs le 11/11/2006 auteur : Elodie Lepage
« Les Fragments d’Antonin » se situe pendant et après la Première Guerre mondiale. Avant les combats, Antonin (Grégori Derangère) était instituteur. Après la guerre, il est prostré, incapable de parler. Un médecin militaire intéressé par la psychiatrie (Aurélien Recoing) va essayer de le soigner.TéléObs.
On connaît bien le cas des « gueules cassées ». On connaît moins l’histoire de ces soldats revenus traumatisés de la Première Guerre mondiale. Comment en avez-vous entendu parler ?
Gabriel Le Bomin.– J’ai fait mon service militaire au Service cinématographique des Armées, et en 1996, j’ai réalisé une série de doc umentaires sur l’histoire de la médecine militaire pour le Val-de-Grâce. En faisant des recherches, je suis tombé sur des images d’archives insoutenables, celles qui composent le générique. On y voit des hommes prostrés soumis à des stimulationsvisuelles. Ces images ont été tournées vers 1919-1920, par des médecins militaires qui voulaient présenter ces cas à des étudiants ou à des collègues. Quand on les découvre, on s’interroge forcément sur ce qu’ont vu ces hommes. Comment se fait-il qu’ils soient encore bloqués sur la guerre, un ou deux ans après l’armistice ? A partir de là, j’ai eu envie de raconter l’histoire de ces combattants qui, avant le conflit, étaient des hommes insérés dans la société, des paysans, des ouvriers ou des instituteurs, et qui n’ont pas réussi, une fois les combats finis, à revenir à la paix.
Le film ne donne pas dans la reconstitution historique minutieuse. Comme si vous aviez voulu donner au sujet une dimension intemporelle.
– C’est le cas. La notion de blessure psychique de guerre est apparue après la Première Guerre mondiale, mais elle a des échos très contemporains, et je voulais que mon propos soit d’actualité. On voit bien les difficultés de l’armée américaine avec certains de ses soldats qui reviennent d’Irak. C’est le même problème de réinsertion dans une société en paix. Et aujourd’hui, la question du rapport à la violence touche tout le monde. Bien sûr, on ne la vit pas tous au quotidien mais on la subit à travers les images dont les médias nous bombardent. Le phénomène s’accentue avec le développement des chaînes d’information en continu. Rappelez-vous la couverture des attentats du 11-Septembre. Pendant des jours, on a vu, sous tous les angles, des images des tours qui s’effondraient. Qu’en fait-on ? Ce matraquage a forcément un effet anxiogène.
On comprend, à travers le personnage interprété par Niels Arestrup, que la plupart des médecins militaires refusaient, à l’époque, de prendre en compte ces blessés.
– Oui. La prise en charge des blessures psychiques de guerre par l’armée française est récente. C’est pendant la guerre du Golfe que, pour la première fois, des psychiatres ont été envoyés sur le terrain au même titre que des chirurgiens ou des anesthésistes.
Beaucoup de premiers films français relèvent de l’autobiographie. Vous avez conscience de proposer quelque chose de radicalement différent ?
– Je ne sais pas si on a conscience de ce qu’on fait. Mais c’est vrai que je ne situe pas mon univers fictionnel dans ma vie. J’ai appris mon métier en Italie, dans l’école du cinéaste Ermanno Olmi. Son truc, c’est l’humain. Parler de l’humain. Quand on arrivait à l’école, il nous montrait un documentaire qu’il a réalisé sur les artisans qui travaillent le verre à Venise. Il n’y a pas un mot, pas une interview, seulement des gestes et des attitudes, et c’est d’une poésie et d’une magie extraordinaires. C’est ce que j’ai essayé de faire moi aussi, avec ce film : parler de l’humain.
Vous avez des origines italiennes ?
– Non, je suis corse mais on allait souvent en vacances là-bas, avec mes parents. Et j’aime énormément le cinéma italien : les classiques du néoréalisme comme les comédies populaires. On n’a pas l’équivalent, en France, de films comme « Padre padrone » ou « l’Arbre aux sabots », qui sont à la fois très ancrés dans une région et totalement universels.
Aucune chaîne de télévision n’a participé au financement du film, vous avez dû vous débrouiller avec un budget très serré, mais on ne le ressent pas à l’écran.
– Tourner un film, c’est savoir faire preuve de pragmatisme, s’adapter au climat, aux acteurs et aux moyens dont on dispose. J’ai donc tenté de faire de cette donnée un principe de mise en scène. On n’avait pas les moyens de tourner des plans larges ? Eh bien, on a beaucoup travaillé sur des éléments de détails qui créent du hors champ et stimulent l’imagination du spectateur : des fils barbelés, de la boue, des casques, des masques à gaz… Et au lieu de montrer les soldats partant à l’assaut sur le champ de bataille, on les a filmés au plus près, dans les tranchées.
Vous avez des projets ?
– On m’a déjà sollicité pour d’autres films de guerre, mais je dois réfléchir. Je ne veu x pas m’enfermer dans un genre.
Propos recueillis par Elodie Lepage
Dernière mise à jour le dimanche 14 janvier 2007