Faire reconnaître le traumatisme psychique, aider les personnes qui en sont victimes et former les professionnels de santé à sa compréhension et à sa prise en charge. Association à but non lucratif, sans appartenance philosophique, politique ou religieuse.
Le SPT chez les anciens d’Algérie : un fléau méconnu. C’est si loin la guerre !
Je témoigne sur le changement de comportement de mon mari au retour de la guerre d’Algérie.
Je suis mariée depuis 45 ans. Au début de notre rencontre, en six mois, nous avons vécu le mariage, la naissance et le décès de notre fils, puis le départ à l’armée de mon mari ; d’abord à Lille puis en Algérie.
Mon mari, qui était un agneau, est rentré, après vingt-quatre mois, comme un lion. Lui, qui était si doux, il n’y a eu ensuite que du silence. Des cauchemars la nuit, la boisson et tout ce qui va avec. Notre vie a changé et l’amour s’est envolé.
J’ai trois filles et gendres, des petits-enfants, une jolie maison. Je ne vis que pour cela, le reste n’a plus aucune importance. Si nos maris ont vécu un calvaire à la guerre, pour nous, les épouses ce ne fut pas facile. Des jours sans courrier, en écoutant la radio, craignant les mauvaises nouvelles et parfois les copines à l’usine à qui il fallait remontait le moral : la guerre, nous l’avons faite aussi. Les médailles, nous les aurions aussi méritées.
Mon père souffre et je ne sais pas comment l’aider.
Mon père a fait la guerre d’Algérie. A 18 ans, il a quitté le Nord Pas de Calais pour découvrir un pays nord-africain, l’amitié, la guerre, la souffrance et la mort.
Lors de combats dans le Maghreb, il a reçu un éclat d’obus dans l’œil, à la suite de quoi, il a perdu celui-ci.
Après une vie familiale et professionnelle bien remplie, il est depuis quelques années à la retraite. Il a 68 ans.
Depuis environ deux ans, son comportement est différent. Il se replie sur lui-même,boit plus qu’il ne faudrait, fume un paquet de cigarettes par jour. Ne veut plus participer à aucune sortie en famille prétextant diverses raisons. Ne veut pas se soigner, ni faire d’examens. Toutes les nuits, il fait des cauchemars : parle, crie, « participe à des combats », allant jusqu’à faire de grands gestes.
Lors de réunions de famille, il est présent dans la pièce, mais semble absent. Il me donne parfois cette impression d’être « à côté » et non avec nous.
Nous avons pensé à une dépression. Son médecin suspectait la maladie d’Alzheimer. Ce n’est pas le cas.
Un proche de la famille s’est suicidé il y a deux ans. Mon père a réagi violement à ce suicide, traitant la personne de « lâche ».
Est-il possible qu’il réagisse à cet événement et que cela fasse ressurgir des moments difficiles vécus pendant cette terrible guerre ?
Est-ce un choc post-traumatique ? Que pouvons-nous faire pour l’aider sachant qu’il refuse de se soigner ou de rencontrer des médecins ?
Le suicide de mon mari.
Mon mari na jamais plus été le même après son retour d’Algérie. Il n’a mangé exclusivement que des frites et du paté pendant des années. Il dormait mal, était hyper sensible à tout : le bruit, les courants d’air. Il ne voulait jamais sortir, il était toujours stressé pour tout. Il a été jugé dépressif et même hospitalisé en maison de repos. Il a toujours eu des médicaments qui le remontaient le matin et le faisaient dormir la nuit.
Puis au début des années 80, au bureau l lui arrivait de se bloquer totalement, d’être comme un zombie. Il fallait aller le rechercher. Il avait les yeux hagards et était incapable de parler. Le médecin lui donnait des calmants pour le faire dormir. Il a été hospitalisé en hôpital psychiatrique. On n’a jamais su ce qui lui avait fait ou donné comme médicaments mais quand il est revenu, il mangeait à toute vitesse , c’était incompréhensible et il n’allait pas mieux.
Un jour, il est allé chez mon fils, a trouvé une arme de chasse et s’est suicidé chez eux. En 1989.
Apparemment, on ne savait pas encore ce qu’était le traumatisme de guerre...
Dernière mise à jour le vendredi 31 août 2007, par franck